18.12.23

Le monde complexe des normes expliqué simplement

Pour la série "Le monde complexe des normes expliqué simplement", la SNV s'est entretenue avec Urs Fischer, CEO de l'Association suisse de normalisation (SNV). Avec ses histoires et sa riche expérience, il prouve une fois de plus que le travail de normalisation est vivant et parfois plus simple qu'on ne le pense. En outre, des chiffres impressionnants et surprenants nous donnent un aperçu plus détaillé du monde de la normalisation.

SNV Eng

Comment expliquez-vous simplement le monde complexe de la normalisation aux personnes extérieures ?

J’utilise les notes de musique comme exemple. Elles sont une convention et fonctionnent comme une norme. Les notes de musique sont la langue de tous les musiciens et garantissent qu’un morceau sonne à chaque fois de manière identique. De plus, elles sont interopérables : elles fonctionnent partout dans le monde, quel que soit l’instrument de musique avec lequel elles sont jouées.

Où entre-t-on en contact avec les normes dans la vie quotidienne ?

Tout le monde profite quotidiennement du travail de normalisation, dans la plupart des cas de manière inconsciente.Cela commence dès le matin, lorsque l’on règle la machine à café ou que l’on se brosse les dents, que l’on prend une douche et que l’on se met ensuite de la crème.Par exemple, la valeur RDA (Relative Dentin Abrasion) d’un dentifrice indique l’importance de l’abrasion de la plaque dentaire.Le choix d’un dentifrice est donc plus facile pour les dents sensibles. Le comité ISO “Cosmétique” s’occupe des tests de tolérance cutanée de toutes les crèmes et donne aux gens la certitude qu’ils peuvent utiliser les produits correspondants sans crainte. Si vous vous rendez ensuite au travail à vélo, le casque a été contrôlé selon les normes strictes du CEN. Les normes protègent les consommateurs au quotidien.

Quels sont les nouveaux thèmes abordés par le travail de normalisation en 2023 ?

Les thèmes actuels sont très vastes.Dans le domaine de l’énergie, nous venons de terminer en Suisse une guideline pour les installations de méthane liquide.Le thème du diagnostic d’aptitude est apparu sur le radar, tout comme l’encadrement professionnel complet des apprentis, qui a été consigné dans un guide.Au niveau international, les thèmes liés à la durabilité continuent de gagner du terrain.Un exemple de la numérisation croissante est la norme “ISO 12911:2023”, où il est question d’un cadre pour le BIM (Building Information Modelling). Ce modèle décrit comment, de nos jours, les architectes, les planificateurs et les exploitants d’infrastructures doivent pouvoir disposer de toutes les informations sous forme numérique, sans rupture de média. Un sujet sur lequel nous sommes très en retard en Suisse.

La durabilité est un thème qui revêt également une grande importance dans les “Objectifs de développement durable (ODD)” de l’ONU. Comment cela s’articule-t-il avec les normes ISO ?

En 2015, les Nations unies ont élaboré un plan ambitieux sur 15 ans pour s’attaquer aux problèmes les plus urgents de la planète.Il en a résulté 17 thèmes focaux, appelés “Objectifs de développement durable (ODD)”.L’ISO apporte sa contribution à tous ces ODD en développant et en publiant des normes ISO pertinentes avec les meilleurs experts mondiaux.Le leader absolu est le “SDG 9 : Industrie, Innovation et Infrastructure”.Au total, 14’515 normes ISO contribuent à la réalisation de cet objectif. Viennent ensuite 3’594 normes ISO pour le “SDG 3 : Good Health and Wellbeing” et en troisième position 3’198 normes ISO pour le “SDG 12 : Responsible Consumption and Production”. Sans normes internationales actualisées, l’industrie et la société ne seront pas en mesure d’atteindre les objectifs nécessaires. L’ISO s’est engagée à travailler avec ses membres, ses parties prenantes et ses partenaires pour s’assurer que les publications de l’ISO soutiennent la mise en œuvre réussie de l’Accord de Paris des Nations unies. L’ISO est également présente lors des conférences internationales sur le climat, la dernière en date étant la COP28 à Dubaï.

Le travail concret de normalisation s’effectue au sein des comités et des groupes de travail correspondants. De nouveaux comités ont-ils été créés en 2023 ?

Lorsque nous créons des comités en Suisse, il s’agit dans la plupart des cas de comités miroirs. On peut s’imaginer que ce sont des succursales d’entreprises à l’étranger.Les derniers que nous avons créés de cette manière sont les comités “Hyperloop” et “Cannabis”.Le thème du cannabis va, à mon avis, reprendre de l’ampleur en 2024.Le chanvre est une plante sensationnelle avec de nombreux domaines d’application.Il y a le chanvre industriel, le chanvre alimentaire, le chanvre médical et le chanvre récréatif. C’est ce dernier qui a un effet d’ivresse et qui contribue injustement à la mauvaise réputation du chanvre. Actuellement, nous manquons de normes de qualité pour la culture du chanvre. Les seuils de tolérance autorisés pour les résidus de pesticides devraient être fixés d’urgence, afin que les aliments, par exemple, ne présentent aucun risque pour les consommateurs.

Les comités sont-ils parfois dissous ?

Une dissolution est très rare. De temps en temps, un comité est mis en sommeil – “dormant”. Ainsi, les normes qui s’y rapportent ont quand même un port d’attache si des adaptations sont nécessaires ou si quelqu’un cherche une personne de contact. Il est plus fréquent de réunir deux comités et leurs portefeuilles de normes afin d’éviter les chevauchements de thèmes.

Y a-t-il aussi des normes qui étaient prêtes à être imprimées et qui n’ont finalement pas été publiées ?

En plus de 20 ans de carrière à la SNV, je n’ai vécu qu’une seule fois cette situation.Il y a environ huit ans, nous étions en train d’élaborer une norme européenne pour les aliments halal.A l’époque, certains représentants de la communauté d’intérêts musulmans avaient insisté pour que nous mentionnions le Coran dans les références normatives. Mais cela va à l’encontre des principes du travail de normalisation, qui est absolument “neutre en termes de valeurs”. Les normes ne possèdent aucune dimension politique, religieuse ou culturelle. L’inclusion est un sujet qui nous préoccupe depuis plus de 100 ans. Ce n’est que lorsque tout le monde a une voix qu’une norme acquiert la crédibilité nécessaire. Le projet de norme de qualité pour les aliments halal n’a toujours pas été publié et les travaux ont été interrompus à l’époque.

L’élaboration de normes est un processus qui prend du temps. Est-ce vrai ?

Ce n’est pas la première fois que j’entends cette affirmation. Ce que l’on ignore souvent, c’est que le marché ne s’intéresse pas au temps, mais à l’efficacité des normes. Le principe du consensus est un facteur de temps important pour le temps de développement. Le fait qu’il y ait deux ou vingt parties autour de la table et le degré de controverse autour d’un sujet sont déterminants. Certains projets de normes nécessitent des tests coûteux ou un essai interlaboratoire réalisé par un laboratoire d’essai externe afin d’obtenir des déclarations basées sur des preuves qui seront intégrées dans la norme. Ce sont des facteurs externes qui peuvent sembler chronophages, mais qui sont indispensables pour obtenir un résultat crédible.

Y a-t-il un exemple de norme qui a été élaborée en un temps record ?

Je pense spontanément aux masques communautaires. Lors de l’épidémie de Covid, les experts ont poussé partout comme des champignons. Que ce soit au journal télévisé, à l’Arena ou au Kassensturz, la population a été bombardée non-stop d’avis différents. La SNV a été appelée à la rescousse pour mettre un terme à cette situation et obtenir un consensus parmi toutes les personnes impliquées. Nous avons alors écrit aux spécialistes qui apparaissaient à la télévision et à la radio et les avons réunis autour d’une table. Tous sont venus, ont discuté des différents points de vue et ont tout coulé dans une forme uniforme. En raison de la pression sociopolitique, nous avons lancé une procédure abrégée qui a abouti à un document normatif, une SNR (règle suisse), et non à une norme suisse classique (SN). Nous avons ainsi pu renoncer à l’enquête publique, qui prend invariablement trois mois. Les SNR ont donc une durée de vie limitée. L’idée est de transformer une SNR en une SN à part entière dans un délai prescrit ou de la laisser expirer à l’issue de cette période.

Pour conclure, avez-vous un souhait pour le travail de normalisation ?

Nos collègues d’Asie sont très engagés lorsqu’il s’agit d’entreprendre de nouvelles démarches et d’assurer une présence physique dans les groupes de travail ou les réunions. Cette année, nous avons eu le plaisir d’organiser une réunion internationale à Winterthour. La délégation chinoise s’est déplacée avec un staff d’une vingtaine de spécialistes. L’Europe n’était présente qu’avec quelques personnes venues d’Allemagne, d’Angleterre et de Scandinavie. La plupart ont préféré être présents via webcall. Dans le travail de normalisation, les discussions pendant les pauses ou le repas en commun sont tout aussi importantes. Je souhaite ici que l’Europe se laisse davantage contaminer par l’engagement des pays membres asiatiques.

Aperçu des histoires de la SNV 2024
Des interviews passionnantes de personnalités importantes du travail international de normalisation vous attendent. Elles montrent quels sont les thèmes importants sur leurs marchés. Urs Fischer reflète à chaque fois l’état actuel du point de vue suisse.

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